• La remontée du Portugal juillet 2020

     

     

    La remontée du Portugal

    Par René
    Cliquez sur les photos pour les agrandir

    23 juin 2020. 5 H du matin. Aéroport de Bruxelles-National. Il y a peu de monde. Nous sommes un peu stressés. Va-t-on arriver au Portugal ?
    Au final, tout s’est déroulé à merveille sans aucun contrôle, sans aucune anicroche hormis l’inconfort du port du masque durant quelques heures.
    Taxi de Faro à Portimao et nous voici à l’entrée du chantier où un des employés nous fait subir, à notre grand étonnement, un contrôle de température…

    3 jours de boulot sur chantier. Nous retrouvons avec grand plaisir nos amis écossais d’ « Adagio » qui sont là depuis 8 mois à bosser sur leur bateau sous tente pour remplacer le pont en teck et ses 2.000 vis par un pont en gelcoat. Quelle énergie ! Ils auraient épargné +- 10.000 euros…

    Nous passons une semaine à la marina pour terminer de préparer le bateau. Nous y retrouvons nos amis hollandais de « Noorderzon ».
    On y apprend plusieurs nouvelles par des bateaux qui se sont fait contrôler par les coastgards qui, suite au Covid, semblent redoubler de vigilance et d’énergie : Il y a une taxe « phares & balises » à régler annuellement de 70 euros ! Jusqu’à présent presque personne ne mettait la main au portefeuille. Nous nous rendons donc à la capitania où l’on nous dit que, suite au Covid, il faut prendre rendez-vous par internet. Ce que nous faisons, sauf que le rendez-vous est fixé au 7 juillet et que nous sommes le 1er.
    Secundo, il y a une taxe à payer si le bateau reste plus de 183 jours au Portugal. Comme cette taxe est fonction de la puissance du moteur et que nous possédons un gros moteur, nous n’en menons pas large.
    La deadline est le 3 juillet. Foutu Covid, nous aurions normalement quitté le Portugal en mai. Sauf que le délai ultime pour payer cette taxe est le 1er août. Je suis certain que certains me voient venir…
    Nous échapperions donc à cette taxe de 200 euros à la condition de ne plus être au Portugal au 31 juillet…
    Tertio, et toujours pour cause de Covid, on nous dit que si nous voulons aller en Espagne, il nous faut passer par la case « immigration » alors que nous naviguons au sein de l’Europe…
    Question mesures sanitaires Covid, elles sont, ici à Portimao, les mêmes qu’au Luxembourg : distanciation physique et port du masque dans les endroits clos.

    La remontée du Portugal La remontée du Portugal

    le chantier et la cale de mise à l'eau de Portimao     

     

    La remontée du Portugal

     

     

    beaucoup d'huile de bras pour un beau pont en teckLa remontée du Portugal

     

    mouillage dans la rivière AradeLa remontée du Portugal

     

    un super resto avec vue sur Idemo pour un tout bon prixLa remontée du Portugal

    La remontée du Portugal

    Ferragudo

    La remontée du Portugal

     

     

    les cigognes d'Algarve

    Il est temps maintenant d’aller au mouillage dans la rivière Arade devant le ravissant village de Ferragudo. Nous y restons quelques jours en attendant le 7 juillet. Les cigognes sont en nombre depuis qu'elles ont délaissés le nord de l'Afrique. Sur chaque pylone ou poteau nous pouvons observer ces curieux volatiles. Puis, nous allons au mouillage de Lagos pour tester nos nouveaux stabilisateurs anti-roulis avec cette houle de sud. Résultat : ça fonctionne, cela réduit de +- 30% le roulis mais avec un gros roulis, il reste donc 70 %... Nous ne sommes pas maso et nous allons donc nous ancrer à l’entrée de la ria d’Alvor. Nous sommes en vives-eaux et le vent souffle fort. IDEMO se met travers à la lame. Notre situation est inconfortable et nos 2 nuits sont très secouées. C’est dommage car l’endroit est charmant.

    Les cigognes et IDEMO (mini video)

    Mouillage agité dans la ria d'Alvor (mini video)

    La remontée du Portugal

    La remontée du Portugal

    les falaises ocres près de Lagos


    Retour au mouillage de Lagos, sans houle cette fois mais toujours avec du vent fort.
    Depuis des jours, nous sommes soumis à un dilemme, à un choix dans cette année « covid » qui décidément est très spéciale.
    Le choix raisonnable serait de se dire que nous allons « navigouiller » durant 3-4 mois entre Lagos et Gibraltar. Les avantages sont trop nombreux pour être énumérés ici. Il n’y a qu’un seul inconvénient mais il est de taille, nous avons déjà fait ça l’année dernière durant 2 mois en visitant tout et en remontant le rio Guadiana.
    L’autre solution est un peu folle à cette saison, remonter les côtes du Portugal et de la Galice au moment où soufflent les alizés portugais.
    Nous irions donc face à ce vent du Nord, appelé ici la « nortada ».
    On ne sait jamais vraiment comment tombe une décision mais j’ai toujours l’impression d’être dans un tube, ou mieux encore, un entonnoir et quoique l’on fasse et sans se l’avouer, la décision, en fait, est déjà prise depuis un moment. Et que poser un autre choix n’apparaît alors que pour se donner bonne conscience.
    En quelque sorte, on se chatouille pour se faire rire !
    Cela m’est très souvent arrivé.
    Ce sera donc le Nooooooord sauf qu’il faut passer le fameux cap St-Vincent qui a été pendant longtemps la fin du monde connu et aussi le point de départ des découvertes portugaises.
    Il y a une fenêtre météo pour passer St Vincent. Du coup, cap à l’Ouest par un bon vent qui devrait se calmer en cours de nuit et qui nous amène au mouillage de Sagres. Nous ne dormons pas très bien car nous entendons le vent siffler dans les haubans une bonne partie de la nuit…
    Nous appareillons à 7H du matin avec un vent qui s’est enfin calmé.
    Sauf que la « fenêtre météo » fait suite à plusieurs jours de vent très fort et dès que nous approchons le cap, la mer se met à grossir méchamment. Gloups !
    La mer est estimée à 2,5 mètres…
    Nous tirons un long bord avec grand-voile et trinquette, qui nous éloigne du cap et de notre destination mais le confort sera meilleur, enfin moins mauvais, que si nous prenions une route directe au moteur.
    Au bout de 2 heures, le vent tombe et toute la journée sera dédiée à du « motorsailing » dans une grosse houle résiduelle.
    Au bout de 70 nm à se faire secouer, nous arrivons fourbu au petit port de Sines, prononcer « cintch ». OUF !
    En arrivant, nous n’apercevons que des zones d’industrie lourde, des cheminées, des grues…etc
    Comme par un coup de magie, tout disparaît à la vue une fois amarré dans la marina.

    La remontée du Portugal

    la plage et la marina de Sines

    La remontée du Portugal La remontée du Portugal La remontée du Portugal
    Nous y restons 4 jours : repos, réparations (encore), courses, petit resto, plage, baignades dans une eau fraîche.
    Sines est la ville natale de Vasco de Gama. Nous aimons bien cette ville typiquement portugaise un peu désuète qui semble avoir été laissé à l’abandon après de grandes réalisations qui ne sont plus entretenues.
    Sabine est toute émue
    Il y a à Sines un restaurant, ou plutôt une taverne, que dis-je, une institution ! « L’Adega de Sines ». C’est le petit resto populaire, avec accueil à l’ancienne et plats traditionnels très simples mais délicieux,  à prix réduits. Pas de terrasse mais une belle salle carrelée,  avec  de longues tables conviviales à partager,  un comptoir d’époque et bien sûr le grill à poulets. Nous ne pouvons manquer cela d’autant que ce sera très probablement notre dernier resto portugais avant notre remontée vers l’Espagne. Nous entamons la longue montée qui va du port vers la petite ville perchée pour débusquer notre taverne du jour.  Nous respectons bien les règles Covid : port du masque pour entrer dans la taverne, à n’enlever qu’une fois assis. Les longues tables sont parées de séparations en plexi, plus question de côtoyer les voisins de tablée. Le serveur masqué, un monsieur d’un certain âge qui doit travailler là depuis de nombreuses années, nous propose la carte du jour : poulet grillé, baccalau ou viande mijotée.  Malgré les contraintes, il se montre jovial et joyeux et claironne notre choix à l’attention du cuisinier : dos pollos assado con patatas fritas ! Aussitôt dit aussitôt prêts, nos poulets arrivent dans la foulée, bien aplatis et bien grillés, comme il se doit au Portugal. Nous nous régalons en y mettant les doigts et échangeons tout de même quelques sourires avec nos voisins et quelques mots avec la patronne. Voilà de nombreuses années qu’elle fait tourner son auberge en mettant un point d’honneur à accueillir chaleureusement les clients, à créer une ambiance conviviale et à se régaler, quand dans sa salle comble, se côtoient les locaux et les gens de passage, les gens aisés et les plus humbles. Ce soir, elle porte le masque, au propre comme au figuré. Plus rien ne sera pareil si ces clients doivent être séparés, si son personnel doit être masqué. Elle est triste, et désolée. Cela se lit dans son regard. Nous terminons notre repas, René va payer au comptoir et sort avant moi. Je rassemble mes affaires, remet mon masque et traîne encore un peu dans cet endroit qui résonne encore des soirées mémorables d’autrefois. Par les yeux, je remercie la patronne. Par les yeux, elle me sourit et fait passer une telle onde de gentillesse et de désolation, que l’émotion me submerge. Au diable le Covid, nos mains s’étreignent pour poignée d’humanité.

    La remontée du Portugal La remontée du Portugal La remontée du Portugal

    le resto "Adega de Sines"

    15 juillet. 53 nm nous séparent de Cascais, une ville un peu « chicos » tout près de Lisbonne. Toute la journée au moteur dans une grosse houle résiduelle en slalomant entre les casiers.
    Nous aurions bien aimé passer 2-3 jours dans la capitale sauf que Lisbonne est confinée en « zone rouge covid ». Ce n’est vraiment pas le moment d’y aller.
    En arrivant près de Cascais, nous croisons notre sillage effectué il y a 21 ans puisque c’est d’ici que nous sommes partis vers Madère et le tour du monde qui a suivi. On va sortir un bon mousseux pour fêter cela.
    Le mouillage est bon et la marina chère et sans grand intérêt.
    Autrefois village de pêcheurs, Cascais est devenue une station balnéaire à la mode lorsqu’à la fin du XIX ème siècle, le roi du Portugal fît de la Fortaleza da Cidadela la résidence d’été de la monarchie.
    Aujourd’hui, c’est une ville riche, arborée, tendance mais jolie avec ses maisons bourgeoises.

    La remontée du Portugal

    La remontée du Portugal

    La remontée du Portugal La remontée du Portugal
    Deux jours plus tard, une autre petite fenêtre méteo se dessine. Allez hop, on continue notre remontée à contresens. Mais là encore, il nous faut passer un autre cap, le cabo Raso où le vent monte à 25 kn.
    Car quand je dis « fenêtre météo », cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de vent, c’est simplement que la « nortada », le vent du Nord se repose un peu en soufflant entre 6 et 15 kn.

    La remontée du Portugal
    Nous hésitons à nous arrêter au port de pêche de Péniche qu’il convient de prononcer correctement entre gens de bonne compagnie…
    Mais nous sommes fatigués d’être éternellement secoués comme des pruniers et nous ancrons au port de pêche.
    Nous aurions mieux fait de nous abstenir car Péniche est le plus grand port de pêche du Portugal et les allées et venues incessantes de leurs gros bateaux vrombissants et les vagues qu’elles engendrent font danser IDEMO et ses 17 tonnes comme un vulgaire fétu de paille. A chaque fois, nous avons l’impression que quelque chose va casser sur IDEMO tellement c’est violent. Nous avons réussi à dormir quelques heures entre 1 heure et 5 heures du matin…
    Nous n’avons qu’une hâte, c’est quitter cet endroit démoniaque sauf qu’au réveil vers 6-7 heures, on n’y voit goutte… Purée de pois totale !
    Pas question d’y aller dans ces conditions même si nous ne voulons pas passer une autre journée ici.
    Toute cette côte portugaise, et la Galice aussi, est réputée pour ses brouillards estivaux.
    Vers 9 H, la visibilité est de +- 100 mètres et nous nous mettons en route dans la purée de pois avec le radar et l’AIS en marche tout en surveillant les casiers. La plaisance, c’est le pied je vous dis.
    D’autant que certains bateaux de pêche n’ont pas d’AIS et qu’on ne peut donc les détecter qu’au seul radar.
    J’ai eu un peu de mal à convaincre Sabine qui n’avait pas trop envie de faire des nuits mais il y a, et c’est rare en cette saison, une panne de vent du nord durant deux jours. Et l’occasion faisant le larron…
    Nous pourrions être à Baiona en Espagne dimanche soir et éviter ainsi de débourser de précieux euros pour la taxe dont je parlais au début de ce récit.
    Le brouillard s’est dissipé mais pas la mer qui nous fait faire du saute-mouton. Comment est-il possible de se faire branler comme ça.
    Nous faisons des quarts de 2H30 mais nous sommes obligés de caler des coussins entre la cuisine et la cale moteur, donc au plus bas centre de gravité, pour avoir une chance de fermer un œil.
    Ces 180 nm auront été réalisés uniquement au moteur en s’écartant, la nuit, de 30 nm de la côte par des profondeurs supérieures à 1.000 mètres pour éviter les casiers. Nous apprendrons plus tard, qu’un voilier hollandais s’est pris un casier dans l’hélice et qu’ils ont dû plonger dans une eau à 16°C et avec une grosse houle pour se dépêtrer.
    Nous arrivons à Baiona à nouveau dans le brouillard dans l’après-midi, jetons la pioche et sommes tout étonnés que le monde autour de nous arrête de bouger.
    La remontée du Portugal

    le mouillage à Baiona