• Sicile : partie 2

    Cliquez sur les photos pour les agrandir

             Par Sabine                         

    Détroit de Messine

     

    C’est presque avec soulagement que nous quittons le mouillage « rock and roll » de Taormina au lever du jour c’est-à-dire à 5h30.

    Comme dit Cap’tain René : « pas la peine de se fatiguer à essayer de dormir ! »

    En route pour le détroit de Messine ! Nous devrions le passer dans de bonnes conditions : pas trop de vent, pas trop de courant, en tout cas si l’on en croit les « grib files » et le site italien http://www.correntidellostretto.it/.

    Le plus grand danger dans ce rétrécissement légendaire entre la Sicile et la côte italienne de Calabre, est bien entendu de se retrouver avec un vent fort contrecarrant un courant inverse mais il faut se méfier aussi des fortes rafales qui dévalent des hautes terres de chaque côté du détroit. Se rajoute à cela une différence de température  et de salinité entre les eaux de la mer Ionienne et celles de la mer Tyrrhénienne qui lorsqu’elles se télescopent provoquent des remous considérables, les « bastardi », des mascarets, les « tagli » et des tourbillons ! Bof, bof, bof ….

    Quand je regarde la carte et me rends compte qu’à la partie la plus étroite du détroit le patelin bâbord s’appelle Charybde et qu’en face il y a Scylla ! Re bof, bof, bof….

    C’est Homère qui me fait flipper aussi, avec ces deux monstres marins de la mythologie grecque que dût affronter Ulysse ! Charybde représente celle qui aspire, et Scylla, celle qui vomit.

    Je ne sais pas trop quel côté choisir !

    Mais trêve de fabulations, tout se passe pour le mieux, le temps est clément et on s’émerveille devant la majesté d’un magnifique vieux gréement à 5 mâts, le Royal Clipper, qui glisse toutes voiles dehors vers la mer Ionienne quand le nom d’Idemo nous parvient par VHF. Oui, oui, c’est bien nous que le centre de contrôle maritime du détroit appelle. Le coastguard de stretto di Messina demande gentiment à René s’il connaît les règles de trafic dans le détroit parce que là il navigue quand même au milieu des deux rails et qu’un cargo arrive à 26 nœuds ! Pas de problème, on était un peu distraits, on sort du rail à toute vitesse pour laisser passer le cargo en évitant les ferrys qui font des va-et-vient incessants entre les 2 rives. Il n’y a plus qu’à espérer qu’on ne  tombera pas de Charybde en Scylla !
    A la sortie nous croisons 2 bateaux de pêche à l’espadon avec leur vigie perchée à plusieurs mètres pour repérer le poisson dans les eaux tumultueuses. Plus que trente miles pour arriver à Vulcano dans les îles éoliennes.

     

    Le Royal Clipper
    le Royal Clipper

    Les Eoliennes


    le Stromboli

    Vulcano

     

    Comme l’Etna s’était refusé à nous pour cause de météo polaire, nous avions tout de même envie d’escalader un volcan et Vulcano nous semblait la meilleure opportunité puisque nous pouvions mouiller à ses pieds. Comme le vent venait de l’est c’est tout naturellement que nous sommes allés chercher un ancrage dans la baie ouest de l’île. Comme la houle, elle, venait de l’ouest et faisait rouler les bateaux en diable, nous n’avons pas posé l’ancre là. Comme nous étions très fatigués de notre longue journée, nous avons donc mouillé, contre toute logique dans la baie Est exposée au vent mais protégée de la houle ouest, avec l’étrave pointée vers le large. Basta pour aujourd’hui, on fera de la logique demain ! Finalement la nuit fut confortable et c’est requinqués que nous sommes partis à l’assaut de Vulcano. Après 1h 30 d’escalade nous sommes arrivés au bord du cratère bordés de fumerolles avec une vue magnifique sur les îles, l’Etna enneigé au sud et le Stromboli fumant au nord. C’est clair, nous sommes dans une zone de rencontre entre 2 plaques tectoniques et nous nous trouvons apparemment sur le volcan le plus vicieux de la série puisqu’il a la particularité de ne pas éructer régulièrement et donc de constituer une menace certaine d’éruption subite et violente. Pour l’heure seules quelques fumerolles s’échappent de la bordure du cratère distillant leur odeur pestilentielle de souffre transformé en acide sulfurique au contact de l‘air. Mais l’odeur ne nous empêche pas d’admirer le panorama magnifique sur la presqu’île de Vulcano, les îles voisines et les Faraglioni, ces deux rochers pointus émergeant des flots dont on raconte qu’il s’agit des doigts d’Eole qui se sont solidifiés comme pour nous rappeler que nous ne sommes que tolérés dans son domaine.


    en toile de fond, les 2 mouillages : Ponente et Levante


    Après l’escalade du volcan, il nous semble avoir le droit de profiter des bains de boue et de pouvoir enfin nous baigner dans la mer chauffée par des colonnes de bulles d’air chaud.
    Ainsi dit, ainsi fait, équipés de nos plus vieux maillots, irrécupérables après une trempette dans les boues sulfureuses, nous nous vautrons dans une « michmach » puante et chaude aux vertus thérapeutiques. Au bout d’un moment, nous pensons être à moitié dissous et nous plongeons dans la mer blanchâtre à la recherche des sources de chaleur. L’odeur commence à devenir écoeurante et même après plusieurs bonnes frictions sous la douche notre peau va garder ce sublime fumet d’œuf pourri pendant plusieurs jours, histoire de garder un souvenir tenace de Vulcano.

     

    Panarea

    Petite perle d’île, verdoyante et fleurie, sertie de maisons blanches cycladiques et entourée d’une eau limpide ponctuée de quelques rochers volcaniques. Nous avons trouvé une petite anse dans laquelle nous avons mouillé, en portant, non sans mal, des amarres à terre, histoire de faire face à la houle omniprésente (l’expérience gréco-turque vient toujours à point !) Un coup d’annexe, et nous voilà trottant sur un petit chemin zigzaguant entre des bouquets exubérants de fleurs et de plantes, et des maisons à la blancheur éclatante. Ici la saison n’a pas encore commencé, tout le monde s’affaire à peindre et à rafraîchir les habitations qui seront louées dans quelques semaines. Nous nous sentons privilégiés de pouvoir profiter des charmes de Panarea avant que la foule d’été n’envahisse ce petit bijou.
    On pousse la balade jusqu’à la pointe Milazzese tout au sud pour profiter de la vue et photographier Momo ancré juste en dessous des quelques vestiges de l’âge de bronze.

    Lipari

     Nous devons quitter notre petit écrin pour cause de coup de vent, encore un ! Nous faisons un petit détour par Salina où nous mouillons à l’entrée du port de Santa Marina. Nous nous renseignons sur le prix de la nuit pour notre bateau : 80 euros ! Le port est quasiment vide, allez savoir pourquoi ! Nous ne logerons pas là pour le coup de vent d’autant plus que la petite ville ne nous semble pas d’un attrait fulgurant. Seuls les chemins de randonnées présentent quelque intérêt.

    Nous passerons donc 3 nuits à la marina di porto Pignataro de Lipari pour un prix négocié. Accueil en français, marineros compétents, bonnes douches. Seul hic, pour se rendre en ville, il faut marcher 1,5 km sur la route étroite en corniche assez fréquentée par des conducteurs…..italiens, bien sûr.  C’est donc au péril de notre vie que nous rejoignons la capitale des Eoliennes. Le centre historique, le Castello, cerclé de remparts est perché sur une acropole tombant dans la mer. De part et d’autres un port, au sud le petit port de pêche avec ses barques colorées et ses terrasses, au nord, la rade dans laquelle arrivent les ferries et les bateaux de croisière. Et autour la petite ville de Lipari avec ses 2 artères principales dédiées au tourisme et ses ruelles typiques dont nous aurons assez vite fait le tour. Pour les amateurs de gelati, excellentes glaces maison au bout du vieux port au pied de l’église San Guiseppe.

     

    Ami navigateur : nous n’avons pas trouvé vraiment de bons mouillages. La houle y pénètre toujours.
    Nous avons fini par nous ancrer avec des amarres à terre pour faire face à l’onde.
    Il faut faire très attention aux ballets incessants des NGV (navire à grande vitesse) qui sillonnent l’archipel sans discontinuer.

     

    Côte Nord Sicile

    Le vent va tourner, le mauvais temps revient s’installer pour quelques jours, il est temps pour nous de rejoindre la côte nord de la Sicile et de chercher un abri pas trop onéreux. Nous croyons avoir trouvé notre bonheur dans le port en construction de Santa Agata di Militello. Cela fait plusieurs années qu’il oscille entre l’abandon et la suite de la construction mais sa grande digue constitue un abri parfait même si le décor n’est pas des plus pittoresques. Quelques jours auparavant un voilier français s’y était arrêté et avait laissé un commentaire positif sur Navily. C’est donc après une navigation au près serré, comme de bien entendu, que nous mouillons à 18h dans ce fameux port. Des grues sont au travail, un quai est déjà occupé par une flotille de pêche, nous mouillons donc du côté droit de la grande darse pour ne gêner personne. Un autre voilier français mouille pas très loin de nous.

    Allez, hop, une petite douche, la tenue relax et les pantoufles, pour profiter de l’apéro bien mérité. A peine avons-nous bu la première gorgée et avalé les premières cacahuètes, que nous voyons l’embarcation de la guardia costiera aborder l’autre voilier et le voilà venir droit sur nous. Oups, ça ne sent pas bon ! Je sors, en pantoufles, pour voir ce qu’ils nous veulent : nous ne pouvons pas rester là, le port est en travaux. J’invoque un capitaine malade, mais rien n’y fait, nous devons dégager. Ah, au fait, ils allaient oublier : Bienvenido !

    Nous voilà donc forcés de reprendre la mer à 19 h, sous  un ciel noir menaçant, en pantoufles ! Nous n’avons d’autre choix que la marina très luxueuse de Capo Orlando à 90 euros la nuit. Heureusement René s’était renseigné sur les prix et avait repéré une promotion « 2 nuits payées, la troisième gratuite ». C’est donc à toute berzingue que nous fonçons vers la marina pour arriver avant la nuit et avant le grain qui menace avec un vent qui n’arrête pas de forcir. Raté, nous nous ferons doucher et serons amarré dans l’obscurité. Nous aurons tout juste le temps de sympathiser avec nos compagnons d’infortune.

    Nous voilà donc pour 3 nuits dans cette marina super bien aménagée : douches grand luxe, supermarché intégré, quais sécurisés, palmiers et cocotiers. Le temps est pour le moins instable et relativement frais pour la saison mais cela ne nous empêchera pas de prendre le train local pour une journée de visite à Cefalu .

     

    Cefalu                                       
                                         Par René

    Archétype de la carte postale, Cefalu est posé sur un roc vertigineux coiffé de remparts et coincé entre les flots bleus. On ne peut pas dire que ce soit le grand beau mais en tous cas il ne pleut pas, au contraire du Capo d’Orlando. Mais il fait frais, très frais. La Sicile est sous l’influence d’un vortex polaire et la température ne dépasse pas les 14° C !
    Nous apprenons qu’une amie a 24°C en Ecosse !
    Evidemment, et même en cette mi-mai, Cefalu est une destination touristique prisée. Il y a déjà du monde qui arpente ses belles ruelles pavées et qui admire la somptueuse cathédrale normande.
    Nous décidons de gravir « La Rocca », le rocher où se dresse les vestiges de la forteresse et où l’on bénéficie, d’après le guide, d’une belle vue plongeante. Hélas, après avoir monté quelques paliers d’escaliers, nous trouvons porte close et une affiche qui explicite la fermeture suite aux dangers d’éboulement dus au mauvais temps des derniers jours…
    En guise de compensation, nous déjeunons au « Chat Noir », un resto recommandé par le routard.
    Très, très bon !
    Tout cela mérite une petite sieste à l’abri du vent sur un banc posé près du vieux port, le seul endroit resté authentique.


    le Duomo


    le vieux port

    70 nm nous séparent de la capitale sicilienne, Palerme, que nous rejoignons en slalomant entre les nombreux casiers.

     

    Ami navigateur : il existe très peu de bons mouillages (sauf par grand beau temps) sur la côte Est et Nord de Sicile. Il faut donc se replier sur les « marinas » et elles sont très chères même en cette saison. Je ne vous dis pas en juillet-août…

     

    Palerme

    Pas de mouillage ici. Il faut obligatoirement rejoindre une « marina », un ponton en quelque sorte.
    Nous choisissons « Si.Ti.Mar ». L’avantage c’est que nous sommes directement en centre-ville.
    Pour être franc, il ne faut rater Palerme sous aucun prétexte !

    S’y sont succédé : Carthaginois, Grecs, Romains, Vandles, Byzantins, Arabes, Normands, Souabes, Angevins, Aragonais, Espagnols, Autrichiens et Bourbons. Excusez du peu !
    Et tout cela a donné un étonnant mélange architectural.
    Paradoxale, la Palerme d’aujourd’hui ne semble pas avoir changé : superbe, mais meurtrie par les ravages de la dernière guerre, grouillante de vie dans ses quartiers populaires jusque dans ses délires baroques. Vous pourrez l'aimer ou la détester, mais jamais elle ne vous laissera indifférent.


    la cathédrale


    Avec ses 80 églises, ses 50 palais, ses 4 marchés typiques, ses 720 000 habitants, son urbanisation anarchique, ses embouteillages, ses ordures exposées au soleil, sa délinquance, c'est une ville à la violence symbolique éclatante, toujours surprenante et tellement fascinante !
    Attention, ici un passage piétonnier ne veut rien dire. Les véhicules passent même lorsque le feu est au rouge. Il vaut mieux se fier à sa vue et à son instinct…
    Tout est grandiose à Palerme mais nous retiendrons particulièrement les exceptionnelles mosaïques byzantines ainsi que la cohabitation des rites chrétiens et orthodoxes de la Chiesa di Santa Maria dell Ammiraglio, appelée aussi église de la Martorana.


    admirez la juxtaposition de l'ordre chrétien et orthodoxe


    Les Quattro Canti, le nombril de la ville, symbolise les quatre vents, les quatre saisons. Cette place divisait autrefois la ville baroque en 4 grands quartiers. Quatre bâtiments à façade concave, d’ordre dorique, ionique et corinthien se succèdent sur 3 niveaux.


    c'est dimanche                                                    un des 4 côtés


    la fontaine Pretoria


    Juste à côté, la Piazza Pretoria est dotée d’une grande fontaine de marbre datant de 1555.
    Le Palazzo dei Normanni, un édifice arabo-normand dont l’entrée est chère et où il faut faire une queue interminable pour entrer dans la Cappela Palatina (chapelle Palatine), le point d’orgue de cette visite du palais royal devenu à présent le siège du parlement sicilien.


    la salle du parlement sicilien


    entrée de la chapelle Palatine


    au plafond, les stalactites de bois d'inspiration musulmane


    Moins connu est le Palazzo Steri aux airs austères de demeure fortifiée, occupé désormais par l’université. Nous aurons la chance d’avoir une guide pour nous tous seuls et s’exprimant en français pour la découverte des prisons de l’Inquisition. Nous explorons avec émotion les cellules aux murs recouverts des dessins des prisonniers forcés de dessiner des représentations religieuses. C’était vraiment une période maudite.
    La guide nous fait découvrir également une peinture célèbre La Vucciria Palermo réalisée par
    Renato Guttuso en 1974 dont la particularité est le manque de perspective.

    les cellules de l'Inquisition


    Remarquez l'absence de perspective qui renforce la sensation de densité

    Nous y sommes restés 3 jours, nous aurions pu y rester une semaine. Mais l’excès nuit en tout et après avoir trié et mené tambour battant nos visites, nous avons soudainement eu besoin de délaisser les palaces, les églises, les musées.
    Nous avons besoin de nature, de mouillages forains, de balades.
    Restait à notre planning les îles Egades, à l’ouest de la Sicile. L’intérêt principal de ces îles est de profiter des eaux limpides sauf que l’eau est encore très fraîche. En outre, cette zone est considérée comme réserve marine et il faut s’acquitter (encore) d’une taxe journalière de 15 euros.
    Nous décidons donc de zapper les îles Egades pour aller voir si l’eau est plus bleue (et moins chère) en Sardaigne…

    Ami navigateur : A Palerme, vous aurez le choix entre différents pontons (des concessions). Nous avions d’abord contacté Salpancore qui semblait être le mieux placé. Il nous a répondu que c’était 70 euros /jour sans douche, sans toilettes et qu’il fallait arriver avant 15H00…Comme nous avions 70 nm à naviguer…
    Nous avons choisi Sitimar qui semble être la meilleure solution parmi les 4 concessions. Proche du centre mais sans trop de bruits et bien surveillé. N’oublions pas, nous ne sommes plus en Grèce ici.
    160 euros/ 3 jours. 

     

    Partager via Gmail Yahoo!




    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique